vendredi 29 avril 2011

Salât Al-jumu'a

Allah dit dans le Coran, Sourate Al-jumu'a (Vendredi):

"9. Ô vous qui avez cru ! Quand on appelle à la Salat du jour du Vendredi, accourez à l'invocation de Dieu et laissez tout négoce. Cela est bien meilleur pour vous, si vous saviez ! 10. Puis quand la Salat est achevée, dispersez-vous sur la terre, et recherchez [quelque effet] de la grâce de Dieu, et invoquez beaucoup Dieu afin que vous réussissiez.
11. Quand ils entrevoient quelque commerce ou quelque divertissement, ils s'y dispersent et te laissent debout. Dis : "Ce qui est auprès de Dieu est bien meilleur que le divertissement et le commerce, et Dieu est le Meilleur des pourvoyeurs"

Selon la doctrine malékite

Les conditions d'obligation (shurût Al-wujûb) de la prière du Vendredi sont au nombre de cinq :

1. être résident, c'est à dire qu'elle n'est pas obligatoire pour le voyageur. Néanmoins, si ce voyageur a l'intention de résider quatre jours ou plus dans cet endroit où se fait cette prière avec les habitants, elle lui sera obligatoire dans ce cas (sauf s'il a d'autres excuses légales précisées plus loin).

2. la liberté, elle n'est pas obligatoire pour les esclaves (cette catégorie n'existe plus de nos jours grâce à Dieu).

3. être un homme pubére, elle n'est donc pas obligatoire pour les femmes et les enfants.

4. la proximité:celui qui se trouve(habite) hors de l'agglomération où se tient la prière et qui est loin de la mosquée de cette agglomération d’une distance supérieure à environ 5 Km et 40 métres [1] (supérieure à un Farsakh, c-à-d supérieure approximativement à 3 miles, au moment de l'appel à cette prière): elle ne sera pas obligatoire pour lui. (Ceux qui sont dans l'agglomération urbaine et ceux qui en sont à 5,04 Km ou moins doivent se hâter vers la prière du vendredi, une autre opinion exige de celui qui est loin de la mosquée de deux Farsakh (10 Km ou selon une autre vesion: 11km) ou moins (mais qui habite l'agglomération où se trouve la mosquée et qui s'y trouve au moment de la prière) de se hâter vers la prière du vendredi avant l'appel à la prière (pour y arriver à temps) et qu'il doit y assister).

5. l'absence d'excuse légale: on cite parmi les excuses légales (valables) : le voyage, la maladie qui rend difficile et pénible d’assister à cette prière, ou celui qui assiste un malade proche, la pluie abondante, la boue abondante, la crainte pour soi même ou pour ses biens.

En résumé:

Elle est donc une obligation pour chaque individu musulman homme, libre, pubère, non malade, résident (qui réside (pour celui qui réside hors agglomération) à une distance inférieure ou égale à environ 5,04 Km (ou selon une autre version: 5.541 Km) (Farsakh) de la mosquée la plus proche où se tient cette prière: au moment de l'appel à la prière) et qui n’a pas d’excuse légale.
On cite parmi les excuses légales (valables) : le voyage, la maladie qui rend difficile et pénible d’assister à cette prière, ou celui qui assiste un malade proche ou celui qui se trouve(habite) hors de l'agglomération où se tient la prière et qui est loin de la mosquée de cette agglomération d’une distance supérieure à environ 5.04 Km [1] (supérieure à un Farsakh, c-à-d supérieure approximativement à 3 miles, au moment de l'appel à cette prière): (ceux qui sont dans l'agglomération urbaine et ceux qui en sont à 5.04 Km ou moins doivent se hâter vers la prière du vendredi, une autre opinion exige de celui qui est loin de la mosquée de deux Farsakh (10 Km ou selon une autre vesion: 11km) ou moins (mais qui habite l'agglomération où se trouve la mosquée et qui s'y trouve au moment de la prière) de se hâter vers la prière du vendredi avant l'appel à la prière (pour y arriver à temps) et qu'il doit y assister).

Assister à cette prière n’est pas obligatoire pour les gens qui ont ces excuses, pour les femmes[2] , pour les enfants qui n'ont pas atteint la puberté et pour les esclaves : mais s’ils assistent à cette prière cela est valide et ils auront son mérite.

Dieu dit dans le Coran à propos de la prière du vendredi : « O vous qui avez cru ! Quand on appelle à la prière du Vendredi, hâtez-vous vers l’évocation de Dieu (la prière) et laissez de côté le commerce. Cela est bien meilleur pour vous si vous saviez. Une fois la prière terminée, répandez-vous sur terre, recherchez quelqu’effet de la générosité de Dieu et évoquez beaucoup Dieu, peut être récolterez vous le succès. Quand ils voient un commerce ou un amusement ils te quittent pour ceux-là en te laissant en pleine prière. Dis : « Ce que Dieu détient auprès de Lui est bien meilleur que l’amusement et que le commerce. Dieu est le meilleur des dispensateurs de biens » »[3]

Les conditions de validité (shurût as-sihha) de la prière du Vendredi sont au nombre de cinq aussi :

1. Habiter (Istîtân) dans un quartier (ville ou village) où il y a des constructions (les bédouins (nomades) qui vivent par exemple dans les tentes ne sont pas concernés par cette prière, même au temps du prophète et des quatre califes après lui, on ne leur demandait pas d’assister à cette prière). Si cette catégorie de gens (nomades par exemple) organisent seuls la prière du vendredi, elle ne sera pas valide. Si ces personnes se trouvent proches d’une localié (agglomération) où se fait cette prière : ils devront alors y assister avec les habitants qui y organisent.

2. Existence d’un nombre minimum de personnes (le groupe) qui assistent jusqu’à la fin de cette prière (12 hommes 'pubéres' (sédentaires,habitants définitifs) minimums (en plus de l’Imâm) doivent être présents du début du prône jusqu’à la fin de cette prière).

3. Existence d’une mosquée qui réunit les fidèles : (chez les malikites cette prière ne peut pas être faite dans les maisons ou les terrains vagues).

4. Le prêche (en langue arabe) avant la prière (il s’agit de deux prêches[4]) : le prêche (Al-khutba) doit être de préférence court et précis.
Il ne peut pas être fait avant son temps légal.
Il doit être en présence du groupe cité (au minimum) et doit être sous la forme de ce que les arabes appellent proprement Khutba...

5. Présence d’un Imâm qui prêche et dirige cette prière. Il doit être obligatoirement libre et résident (non voyageur et non de passage). (S’il est à séjour temporaire c'est-à-dire qu’il aurait résolu de rester (résider) quatre jours de suite au moins dans la localité concernée : sa Imâma est valide dans ce cas).

Il est sunna de se laver (faire un Ghusl) juste avant d’aller à cette prière.
Abû Hurayra rapporte, j'ai entendu le Prophète (paix et salut sur lui) dire : "cinq pratiques sont caractéristiques de la Fitra (nature primordiale): la circoncision, le rasage du poil pubien, le coupage court des moustaches, le coupage des ongles et l'épilation des cheveux des aisselles"
Il est ainsi préférable aussi de se parfumer, de se brosser les dents (ou d'utiliser le siwâk), de se couper les ongles, de s’épiler les poils des aisselles… et de porter des habits blancs pour assister à cette prière capitale en Islam.

Il est préférable (mandûb) d'aller à cette prière le plutôt possible (tahgîr) à partir d'une heure avant le zénith (Az-zawâl), il est detestable d'y aller avant .
Ceci pour récolter le maximum de mérite (de la part de Dieu).

On ne doit ni parler, ni se distraire pendant le prêche de l’Imâm et on doit écouter attentivement et se concentrer jusqu’à la fin de cette prière.

Remarques importantes:

* A propos de l'Istitân (habiter définitivement et de façon permanente dans l'endroit (localité) où se fait la prière du vendredi) qui est une condition de validité de cette prière chez les malikites: elle n'exonère pas le voyageur qui a décidé de rester 4 jours ou plus dans cet endroit à la faire avec les habitants.Il doit donc y assister dans ce cas s’il n’a aucune excuse.
Ce que les malikites disent est que: s'il n'y a que des non habitants permanents (comme des étudiants) dans cet endroit, ils ne feront pas la prière du vendredi. Par contre, s'il y a des habitants qui organisent cette prière, il est obligatoire pour ces non habitants résidents d'y assister s'ils n'ont pas d'excuses.
Si les non habitants organisent seuls la prière du vendredi, elle ne sera pas valide.
S’ils assistent à la prière du vendredi avec les habitants (et que ce sont les habitants qui organisent) : elle sera alors valide.

* Le voyage est interdit après le zénith (az-zawâl) le jour du vendredi et jusqu'à la fin de cette prière, car cela nous fera manquer cette prière (sauf nécéssité légale).
Il est autorisé avant le Fajr (l'aube).
Le voyage entre le Fajr et az-awâl (du vendredi) est détestable pour certains savants, et autorisé pour d'autres. Si la personne va quand même pouvoir y assister en chemin (il sait qu’il va pouvoir y assister) : là ce voyage est autorisé.

* La règle est qu'il faut faire la prière du vendredi dans la mesure du possible et qu'il ne faut pas essayer de se trouver des pretextes qui ne sont pas fondés: en effet, le Prophète (paix et salut sur lui) nous dit:
"Celui qui, par négligence (tahâwunan) renonce à trois prières du vendredi, Dieu posera un sceau sur son coeur (Taba'a allahu 'alâ qalbihi)." Rapporté par At-tirmidhi, Ibn Mâja et Abou Dâwoud, qualifié de bon et authentique.

*Les malikites pensent qu'il est non souhaitable de prendre le vendredi comme jour férié (de ne pas travailler ce jour là) : ceci pour se distinguer des juifs et des chrétiens qui ont pris comme jour fériés le samedi et le dimanche.

Notez bien :

Dés l'appel à la prière du vendredi, le musulman doit aller vers cette prière et laisser toute autre occupation: tout acte commercial ou contrat (de vente) établi (par les musulmans) devient illicite et invalide en pays d’Islam dés l’appel à la prière du Vendredi (l’appel qui précède le prêche) et jusqu'à la fin de cette prière : (ceci pour les personnes qui doivent accomplir la prière du vendredi : qui n’ont pas d’excuses valables).
Prier en groupe pour la prière du vendredi est obligatoire (pour l'homme pubére qui n'a pas d'excuse légale), ceci est sunna pour les autres prières obligatoires : la prière en groupe dépasse en mérite la prière individuelle (accomplie en seul) de vingt-sept (27) degrés.

Notes:

[1] Ceci est relaté dans le Hadîth de 'Aïsha (que Dieu l'agrée) cité par Al-Bukhârî (Hadîth n° 902) que certains venaient assister à la prière du vendredi de leurs maisons de Médine et des villages(autour de médine: éloigné de 2 ou 3 miles de la mosquée), ils étaient en sueur et touchés par la poussiére. voir: Fath Al-bârî (2/36).
Le Prophète (paix et salut sur lui) a dit: "Assister à la prière du vendredi est obligatoire pour celui qui entend l'appel (à la prière)" (Abû Dâwud: 1/640, Hadîth n°1056).
Anas Ibn Mâlik (que Dieu l'agrée) assistait au vendredi parfois et parfois il n'assistait pas: il était à la "Zawiya" un endroit loin de Basura de deux Farsakh. Mâlik a dit: je n'ai pas connaissance qu'elle soit obligatoire pour quelqu'un qui est loin de plus de deux Farsakh.

[2] Les malikites disent pour la prière du vendredi: si la femme est vieille et n'est plus à désirer: elle est autorisé à faire la prière du vendredi à la mosquée, sinon cela est détestable (makrûh) pour elle; si par contre elle est jeune et séduisante et elle craint la séduction dans la rue ou à la mosquée: là il lui est interdit d'y aller pour éviter le mal. (Al-fiqh alâ al-madhâhib al-arbaa d'Al-jazîrî , tome I, page 349).
Il est utile aussi de citer le hadîth suivant:
'N'empêchez pas à vos femmes d'aller aux mosquées (pour prier), et leurs maisons sont meilleures pour elles (par rapport à la mosquée).' (Abû Dâwûd)

[3] Sourate 62 (Le Vendredi), versets : 9,10 et 11.

[4] L’opinion la plus courante chez les malikites est que les deux prêches avant la prière sont obligatoires.

mercredi 27 avril 2011

Islam, problèmes actuels en science et religion par Abd-al-Haqq Guiderdoni

Le monde musulman a rencontré la science moderne, au XIXème siècle, sous la forme d’un double défi, à la fois matériel et intellectuel. La défense de l’empire ottoman face à la poussée militaire des pays occidentaux, puis le succès de la colonisation, ont rendu nécessaire l’acquisition de la technologie occidentale, et donc de la science qui en est la fondation. Cette pression de la science moderne sur l’islam demeure encore très forte.

L’Occident apparaît comme le modèle de progrès qu’il faut rattraper, ou au moins suivre, en formant techniciens et ingénieurs, et en assurant le transfert massif des technologies indispensables au développement. Mais la rencontre entre l’islam et la science moderne a surtout suscité une réflexion d’ordre philosophique et doctrinal, en quelque sorte provoquée par un événement inaugural, la fameuse conférence « L’Islamisme et la Science » donnée par Ernest Renan (1823—1892) à la Sorbonne en 1883. Dans la perspective positiviste qui était la sienne, Renan y critiquait l’incapacité radicale des musulmans à produire des découvertes scientifiques, et leur inaptitude supposée à la pensée rationnelle. Cette conférence fut ressentie comme une provocation par les intellectuels musulmans de l’époque qui étaient en contact avec l’intelligentsia occidentale.

Ces intellectuels, dont Jamâl-al-Dîn Al-Afghânî (1838—1897) fut le précurseur, défendirent alors l’idée que l’islam n’avait pas connu de rupture entre religion et science, alors que le christianisme, surtout le catholicisme, avait vécu une longue période de conflit avec celle-ci. Pour eux la science moderne n’est rien d’autre que la « science islamique » autrefois développée par le monde musulman de l’époque classique (celui des califats umayyade et abbasside), et finalement transmise à l’Occident, dans l’Espagne du XIIIème siècle, grâce à des traductions qui permirent ensuite la Renaissance et les Lumières. Pour ces intellectuels à l’origine du courant « moderniste » de l’islam, il n’y a rien de mauvais, en principe, dans la science. Seules les distorsions imposées à la science par la vision matérialiste et positiviste des philosophes et scientifiques anti-religieux de l’Occident demeurent inacceptables. La science moderne n’a pu naître dans le monde musulman, pourtant très avancé à une certaine époque, à cause des « superstitions » ajoutées à la religion d’origine, qui ont incité au fatalisme quiétiste plus qu’à l’action. A l’issue de cette prise de conscience de l’engourdissement (jumûd) des sociétés musulmanes, les modernistes appellent à la renaissance (nahdah), par la réforme (içlâh) de la pensée islamique.

Cette position, très répandue dans le monde musulman, pose un certain nombre de problèmes, que l’on peut résumer en disant qu’il s’agit de savoir si la réforme doit conduire à « moderniser l’islam » ou à « islamiser la modernité ».

Les intellectuels musulmans qui travaillent sur les rapports de la science et de la religion puisent leur réflexion dans l’épistémologie de l’islam. En effet, la tradition islamique insiste sur la recherche de la « connaissance » (‘ilm), un mot qui revient plus de 800 fois dans le Coran et dans de nombreuses traditions prophétiques comme « la recherche de la connaissance est une obligation religieuse », ou « cherchez la connaissance jusqu’en Chine ». Cette connaissance a trois aspects : le savoir religieux transmis par la révélation, la connaissance du monde acquise par l’investigation et la méditation, et enfin, le savoir d’ordre spirituel accordé par Dieu. Les différentes attitudes face au rapport entre science et religion procèdent des éclairages différents qui peuvent être donnés à ces trois aspects. C’est le même mot (âyât) qui désigne à la fois les signes de Dieu dans le cosmos et les versets du texte coranique. De nombreux passages, appelés « versets cosmiques » (âyât kawniyya) par les commentateurs, attirent l’attention du lecteur sur les phénomènes de la nature, où celui-ci doit apprendre à déchiffrer l’œuvre du Créateur. La perspective fondamentale de l’islam est celle de l’affirmation de l’unicité divine (tawhîd), qui assure l’unicité de la connaissance, dans la mesure où tout savoir véritable reconduit à Dieu. En conséquence, il ne saurait y avoir de désaccord entre les données produites par la connaissance du monde et celles qui sont apportées par la révélation, ni cette « double vérité » (duplex veritas) condamnée dans l’Occident médiéval et faussement attribuée aux philosophes musulmans.

L’idée fondamentale de l’unicité de la connaissance apparaît dans les positions de deux acteurs majeurs de l’histoire de la pensée musulmane, dont les œuvres sont encore très lues aujourd’hui. Abû Hâmid Al-Ghazâlî (1058—1111) défend, dans le Libérateur de l’erreur (al-Munqidh min ad-Dalâl), que la certitude rationnelle est accordée par don divin. S’il y a désaccord apparent entre les résultats de la falsafah (la philosophie et la science d’inspiration hellénique) et les enseignements de la tradition religieuse, c’est parce que les philosophes ont appliqué leur investigation en dehors de son domaine de validité, et ont été amenés à énoncer des propositions fausses. Abû-l-Walîd Muhammad Ibn Rushd (1126—1198) affirme, sous la forme du long avis jurisprudentiel (fatwâ) que constitue son livre Le Traité décisif (Kitâb Façli-l-Maqâl), que la pratique de la philosophie et de la science est une obligation religieuse canonique. Pour lui, s’il y a désaccord apparent entre philosophie et révélation, ce sont les textes religieux qui doivent être soumis à interprétation (ta’wîl), sous peine de tomber dans l’impiété en faisant dire à Dieu des choses manifestement fausses. Les différentes positions des musulmans contemporains face à la science se répartissent selon trois courants principaux, qui suivent toujours, d’une façon ou d’une autre, cette ligne de l’unité de la connaissance.

Le courant majoritaire considère, dans le sillage des réformistes des XIXème et XXème siècles, qu’il n’y a rien d’intrinsèquement mauvais dans la science. L’Occident, qui est actuellement le producteur des découvertes scientifiques, doit être blâmé seulement pour sa vision matérialiste et son indifférence à la morale. Ce que ce courant place sous le nom de science, ce sont essentiellement les sciences de la nature, et non les sciences humaines pénétrées des valeurs anti-religieuses de l’Occident. La science est considérée comme pourvoyeuse de « faits » qui, en eux-mêmes, sont complètement neutres. Ce qui manque à l’Occident, c’est le sens de l’éthique que certains scientifiques occidentaux ont manifesté de façon personnelle, mais qui n’apparaît pas assez, ou pas du tout, dans les sociétés occidentales. Ainsi de grands scientifiques, comme le prix Nobel de Physique (1979) Abdus Salam (1926—1996), ont-ils pu se faire les avocats du développement de la science moderne dans le monde islamique. Ces défenseurs de la science rappellent les heures glorieuses de la grande époque de la science en islam, énumèrent la longue liste des savants musulmans « oubliés de l’histoire », et cherchent à construire un futur en promouvant le rôle émancipateur de l’éducation. Ce courant connaît actuellement un essor considérable, tout en étant, en quelque sorte, détourné à des fins apologétiques. En 1976, un chirurgien français, Maurice Bucaille (1920—) publia La Bible, le Coran et la Science où il étudiait les écritures saintes « à la lumière des connaissances modernes », et concluait à l’authenticité du Coran, en raison « de la présence d’énoncés scientifiques qui, examinés à notre époque, apparaissent comme un défi à l’explication humaine ». L’intention initiale n’était pas d’aborder les rapports entre science et religion en islam, mais de prendre part au débat des orientalistes et islamologues contemporains sur le statut du Coran, en apportant des éléments en faveur de l’authenticité de celui-ci. Cette idée des « preuves scientifiques » de la vérité du Coran fut propagée dans le monde musulman par les nombreuses traductions du livre de M. Bucaille, et amplifiée au point d’occuper une place dominante dans l’apologétique actuelle, où le thème traditionnel de « l’inimitabilité du Coran » (i’jâz al-qur’ân) est complètement réinterprété dans cette perspective de la « science coranique ». Les « savants occidentaux » qui y sont mis en scène reconnaissent dans le Coran les dernières découvertes de la science moderne (cosmologie, embryologie, géophysique, météorologie, biologie), et affirment ainsi la vérité de l’islam. Ceux qui défendent cette position envisagent la science sans se préoccuper de sa vision du monde, ni de ses présupposés épistémologiques et méthodologiques. Certains vont même plus loin lorsque, en sollicitant le texte sacré pour produire des énoncés scientifiques quantitatifs, comme une mesure très précise de la vitesse de la lumière, ils prétendent fonder une « science islamique » sur des méthodes complètement nouvelles. Or, ainsi que le rappelle le physicien Pervez Hoodbhoy, dans son livre Islam and Science qui s’insurge contre un tel détournement, « specifying a set of moral and theological principles — no matter how elevated— does not permit one to build a new science from scratch ».Pour lui il n’y a qu’une seule façon de faire de la science, et la « science islamique » de la glorieuse époque n’était autre que la science universelle, pratiquée par des scientifiques appartenant à la civilisation arabo-islamique.

Le deuxième courant refuse cette idée de science universelle, et met l’accent sur la nécessité d’examiner les présupposés épistémologiques et méthodologiques de la science moderne d’origine occidentale, qui ne sauraient être acceptés en l’état par le monde musulman. Ce courant se fonde sur les critiques émanant de la philosophie et de l’histoire des sciences. Karl Popper (1902—1994), Thomas Kuhn (1922—1996), et Paul Feyerabend (1924—1994), ont contribué, chacun à sa manière, à questionner la notion de vérité scientifique, la nature de la méthode expérimentale, et l’indépendance des productions de la science par rapport à l’environnement culturel et social où celles-ci apparaissent. Dans un climat fortement marqué par le relativisme et l’anti-réalisme de la déconstruction post-moderne, les critiques musulmans de la science occidentale refusent l’idée selon laquelle il n’y aurait qu’une seule façon de faire de la science. Ils cherchent à fonder les principes d’une « science islamique », en enracinant la connaissance scientifique et l’activité technologique dans les idées de la tradition islamique et les valeurs de la loi religieuse (sharî’a), avec des nuances qui résultent des différences d’interprétation.

C’est ainsi que Isma’il Raji Al-Faruqi (1921—1986) a élaboré un programme d’islamisation de la connaissance, relayé par la fondation, en 1981, de l’International Institute of Islamic Thought, à la suite des expériences et réflexions de Musulmans travaillant dans les universités et les instituts de recherche d’Amérique du Nord. Ce programme est basé sur la constatation d’un malaise dans la communauté musulmane (umma), qui trouve son origine dans l’importation d’une vision du monde étrangère à la perspective islamique. Pour l’IIIT, l’islamisation de la connaissance est globale : elle part de la parole de Dieu qui peut et doit s’appliquer à toutes les sphères de l’activité humaine, dès lors que Dieu a créé l’homme comme son « représentant » ou « vice-régent sur terre » (khalîfat Allâh fî-l-ard). Les travaux de l’IIIT conçoivent un projet pour le développement de la pratique scientifique au sein d’une vision religieuse du monde et de la société. L’entreprise de l’IIIT vise d’ailleurs davantage les sciences humaines que les sciences de la nature, considérées comme plus neutres du point de vue méthodologique. D’autres intellectuels, comme Ziauddin Sardar (1951—) et les membres de l’école de pensée plus ou moins informelle dite ijmâlî (ainsi auto-désignée en référence à la vision « synthétique » qu’elle propose), sont aussi conscients de la « menace » que fait peser sur l’islam la vision du monde occidentale apportée par la science. Profondément influencés par l’analyse kuhnienne du développement scientifique, ils constatent que la science et la technologie venues d’Occident ne sont pas des activités neutres, mais participent d’un projet culturel, et deviennent un outil pour la propagation des intérêts idéologiques, politiques et économiques de l’Occident.

Pour importer la science et la technologie modernes en islam, il faut reconstruire les fondations épistémologiques de la science, dans la perspective d’interconnexion entre les différents domaines de la vie humaine qui est propre à l’islam. Sardar lui-même compare la position des ijmalis à celle d’Al-Ghazâlî. Le troisième courant de pensée islamique est marqué par une réflexion approfondie sur les fondements métaphysiques de la vision du monde proposée par la tradition islamique. Seyyed Hossein Nasr (1933—) y apparaît comme la figure la plus importante. Il défend le retour à la notion de Science Sacrée. Ce courant trouve sa source dans la critique du monde moderne proposée par le métaphysicien français René Guénon (1886—1951), puis par des auteurs dans le sillage de celui-ci, comme Frithjof Schuon (1907—1994) et Titus Burckhardt (1908—1984), tous musulmans d’origine occidentale. Guénon explique comment la civilisation occidentale moderne représente une anomalie, dans la mesure où elle est la seule civilisation de l’humanité à s’être développée sans se référer à la Transcendance. Guénon rappelle l’enseignement universel des religions et traditions de l’humanité, qui sont autant d’adaptations de la Tradition primordiale, d’essence métaphysique. La destinée de l’être humain est la connaissance d’ordre intellectuel des vérités éternelles, et non l’exploration des aspects quantitatifs du cosmos. Dans cette perspective, Nasr dénonce, non le malaise de la communauté musulmane, mais celui des sociétés occidentales, obsédées par le développement d’une connaissance scientifique ancrée dans une approche quantitative de la réalité, et par la domination de la nature qui aboutit à la destruction pure et simple de celle-ci. La position de Nasr et des autres défenseurs de ce courant traditionnel, que certains ont choisi d’appeler « pérennialiste » (par référence à la Sophia perennis dont ils sont les transmetteurs), s’ancre non seulement dans une critique de l’épistémologie occidentale, mais dans une remise en question profonde de la conception occidentale d’une réalité réduite à la seule matière. Les pérennialistes proposent une doctrine de la connaissance comme une succession d’épiphanies, où la vérité et la beauté apparaissent comme des aspects complémentaires de la même réalité ultime. Ils appellent de leurs vœux le rétablissement d’une vision spirituelle du monde, et la réhabilitation de la « science islamique » traditionnelle qui préservait l’harmonie de l’être dans la création. En revanche, les critiques de cette position radicale l’accusent d’un certain élitisme, et mettent en avant la difficulté à réaliser son programme dans les circonstances actuelles.

Les différents courants de la pensée musulmane contemporaine témoignent d’une activité de réflexion intense sur les rapports entre science et religion. Le monde universitaire musulman agit ici comme un melting pot où de nombreuses idées d’origine islamique ou occidentale sont ré-élaborées dans la recherche d’une synthèse. Les éléments fondamentaux restent ceux de la pensée islamique : l’affirmation répétée de l’unicité de Dieu qui unit à la fois la création et l’humanité, la nature ouverte du processus même d’acquisition de la connaissance du monde, qui est par essence illimité puisqu’il a pour origine et pour terme la connaissance de Dieu, l’étroite interconnexion de la connaissance et de l’éthique, enfin la responsabilité de l’homme sur terre en tant que vice-régent, qui doit user du monde sans en abuser et se comporter comme le bon jardinier dans le jardin. Par ailleurs, la métaphysique qui sous-tend l’épistémologie et l’éthique est profondément marquée par la dialectique du visible et de l’invisible. Les phénomènes y sont les signes de l’action divine dans le cosmos. Dieu est d’ailleurs présent dans le monde, dont il ne cesse de « renouveler la création » à chaque instant (tajdîd al-khalq). L’articulation de cette forme d’occasionalisme avec la causalité, dans le déterminisme et l’indéterminisme de la science moderne, reste encore à élaborer.

La réflexion critique sur l’élaboration même de la science, comme activité marquée par une culture, est maintenant bien inscrite dans le débat. En revanche, il faut constater que les derniers développements de la science contemporaine, notamment ceux qui concernent l’incomplétude en mathématique, l’incertitude en physique quantique, l’imprévisibilité en théorie du chaos, ainsi que les interrogations de la biologie sur l’évolution, et des neurosciences sur la conscience, n’ont sans doute pas été assez médités. Ces développements peuvent en effet fournir d’intéressantes pistes pour briser la vision réductionniste et scientiste du monde, et constituent une sorte de pierre de touche pour une métaphysique et une épistémologie qui puissent donner du sens à la science telle qu’elle se fait dans les laboratoires et instituts de recherche.

Il s’agit finalement de fournir un contenu au terme de « science islamique ». La question est la fois du domaine de l’éthique (personnelle et collective), de l’épistémologie, et de la Weltanschauung de nature métaphysique qu’elle présuppose. Chaque courant de pensée doit faire face, lors du passage de la théorie à la pratique, à des problèmes spécifiques qui résultent de sa position particulière, mais aussi des difficultés économiques et sociales du monde musulman. Il reste à savoir dans quelle mesure le projet le plus ambitieux, celui de la science islamique en tant que Science Sacrée, peut être plus qu’un regard nostalgique sur le passé, et passer au stade de la mise en œuvre effective par une élite intellectuelle et spirituelle. L’avenir de la contribution de la civilisation islamique au développement de la connaissance universelle dépend de la réponse qui sera donnée à cette question.

Qu'est ce que l'Innovation (Bid'a) en islam?

L’innovation consiste en le fait de rajouter à la religion des éléments qui n’existaient pas du temps du Prophète (paix et salut sur lui). Beaucoup de musulmans croient à tord que toute nouvelle chose est forcément une innovation interdite ......et un égarement, même s’il s’agit de choses utiles pour la communauté ! Ils se basent pour dire cela sur le hadîth célèbre[1]:

« Faites attention aux choses nouvelles, car toute nouveauté est une innovation, et toute innovation est un égarement, et tout égarement mène à l’Enfer »[2]

A propos de ce hadîth, nous pouvons remarquer plusieurs choses :

Les savants ont dit que cette parole ne fait pas référence à l’ensemble des choses nouvelles sans restriction... L’expression « toute innovation » n’est pas à prendre dans un sens absolu.

Il existe plusieurs exemples dans le Coran ou dans la Sunna où les commandements, les recommandations ou les interdictions doivent être complétées par d’autres textes qui réduisent leur portée ou expliquent la façon dont doit être compris le verset ou le hadîth.

Par exemple dans la Sourate an-najm, il est écrit :

« L’Homme ne possédera que ce qu’il aura acquis par ses efforts. »[3]

Pourtant d’autres textes affirment que nous recevons des récompenses lorsque quelqu’un prie pour nous, lorsque les anges prient pour nous, durant la prière sur le mort qui est faite pour nous, lorsque l’on a laissé une œuvre de charité comme une mosquée ou une aumône après notre mort…

De la même manière, dans la Sourate al-anbiyâ, il est dit :

« Vous serez vraiment, vous et ce que vous adorez en dehors de Dieu, le combustible de l’Enfer. »[4]

L’expression « ce que vous adorez » ne peut pas être prise dans un sens général sinon on devrait considérer que Jésus (paix et salut sur lui), sa mère (paix et salut sur elle) et les anges que les gens ont adorés en dehors de Dieu, iront tous en Enfer.

Et aussi dans le hadîth qui dit :

« Celui qui prie avant le lever du soleil et avant son coucher n’entrera pas en Enfer. »

Cela ne signifie pas que si on prie seulement la prière de Subh et la prière de ‘Asr nous sommes protégés de l’Enfer même si l’on néglige toutes les autres obligations.

En vérité, si nous voulons définir correctement ce qu’est une bida‘, il faut auparavant définir ce qu’est la sunna, puisque l’un ne va pas sans l’autre. On ne peut pas connaître l’un sans connaître la définition de l’autre.

Le mot « Sunna » signifie tradition, façon de faire, comme il est rapporté dans un hadîth tiré du sahîh muslim :

« Quiconque introduit dans l’Islam une pratique (sunna) louable en retirera une double récompense : la première pour l’avoir introduite, la seconde constituée par la somme des récompenses acquises par ceux qui l’auront imité(fait) après lui sans que cela ne diminue en rien leur propre récompense. Mais quiconque introduit dans l’Islam une pratique mauvaise se verra pénalisé d’une double faute : la première pour avoir introduit cette pratique et la seconde constituée par l’ensemble des fautes commises par ceux qui l’auront imité(fait) après lui sans que cela ne diminue en rien leurs propres fautes.»

Le mot "sunna" s'emploie également plus précisément dans le droit musulman pour désigner la tradition prophétique ou encore un acte recommandé non obligatoire (voir le chapitre: les 5 statuts légaux des actes).

A travers cette parole prophét......ique citée, on se rend compte de la marge de manœuvre considérable offerte par le législateur. Et que les actes nouveaux doivent être jugés à la lumière de leur intérêt pour la religion et la communauté ou leur nuisance, à leur conformité ou non à l'esprit de cette religion et sa sagesse.

En lisant les recueils de hadîth, on se rend compte que beaucoup de Compagnons ont réalisé de nouveaux actes, de nouvelles prières de demande (du‘â), de nouveaux Dhikr etc. que le Prophète (paix et salut sur lui) n’avait jamais réalisé avant eux.

Les Compagnons ont réalisé ces actions en étant totalement convaincus qu’ils étaient bons pour l’Islam et les musulmans ; en référence au verset :

« …pratiquez le bien et peut-être réussirez-vous. »[5]

Beaucoup de Compagnons ont réalisé un effort d’interprétation (ijtihâd), ils ont instauré de nouvelles pratiques en vérifiant qu’elles n’étaient pas en contradiction avec le Coran et la Sunna, et en rejetant tous les actes qui s’en écartaient. Tout ce que la Loi atteste comme bon est considéré comme bon et tout ce que les textes considèrent comme mauvais est une innovation mauvaise à rejeter.

Certains Savants ont utilisé le terme de « bida‘ hasana » (bonne innovation ou bonne coutume) pour désigner les nouvelles actions autorisées, mais en réalité il n’y a pas d’innovation louable, puisque ce n’est pas une innovation mais une interprétation et une compréhension de la sunna.

Par exemple, Al-Bukhârî et Muslim rapportent dans leur recueil d’Abû Hurayra que le Prophète demanda à Bilâl en quel acte il avait le plus d’espoir (qu’il le mène au Paradis)[le Prophète avait entendu le mouvement de Bilâl au Paradis.] . Bilâl (que Dieu l’agrée) répondit qu’il n’existait pas un acte dont il avait le plus d’espoir que le fait qu’il avait l’habitude, après avoir fait ses ablutions aussi de jour comme de nuit, de faire autant de raka‘ qu’il pouvait.
Ibn Hajar al-Asqalânî, dans son Fath al Bârî, en déduit qu’il est permis par effort d’interprétation (ijtihâd) de choisir le moment d’accomplir les actes d’adoration surérogatoires.

De la même manière, Al-Bukhâri rapporte que Khubayb avait demandé de prier deux raka‘at (deux unités de prières) avant d’être exécuter par les idolâtres à la Mecque.

Ces deux exemples montrent que Bilâl et Khubayb ont utilisé leur propre effort d’interprétation sans que le Prophète en ait parlé auparavant.

Autre exemple rapporté par al-Bukhârî et Muslim :

Rifa‘a Ibn Râfi‘ a raconté qu’un jour, au cours d’une prière en commun avec le Prophète (paix et salut sur lui) comme Imâm, un Compagnon avait rajouté une invocation à haute voix après que le Prophète ait dit : sami‘a Allahu limane hamidahu. Il avait dit :
ربنا ولك الحمد
حمدا كثيرا طيبا مباركا فيه"
"
Après la fin de la prière, le Prophète (paix et salut sur lui) a demandé qui avait dit cela et a dit que plus de trente anges s’étaient ‘précipités’ pour pouvoir être celui qui allait écrire cette invocation le premier.

Ibn Hajar en déduit qu’il est permis d’utiliser de nouveaux dhikr au cours de la prière tant qu’ils ne contredisent pas ceux conseillés dans les hadîths.

Nous remarquons que ce récit fait référence à la prière qui est l’acte rituel le plus important en Islam.

Il existe aussi un récit qui parle de l’utilisation de la Fâtiha comme moyen de guérison :
Al-Bukhârî rapporte d’après Abû Sa‘îd al-Khudrî qu’un groupe de Compagnons étaient en train de camper dans le désert lorsqu’un homme vint les voir en leur disant que leur chef venait d’être piqué par un scorpion et qu’ils avaient tout essayé mais que rien ne marchait. Un des Compagnons récita la Fâtiha en échange d’un troupeau de moutons. Ils ne se partagèrent pas le troupeau avant d’avoir demandé l’avis du Prophète (paix et salut sur lui). A leur retour, Sayyiduna Muhammad (paix et salut sur lui) leur demanda comment il savait que la Fâtiha avait un pouvoir de guérison et il accepta le partage du troupeau.

Ce hadîth montre que les Compagnons n’avaient aucune connaissance préalable de la capacité de guérison de la Fâtiha mais ils ont utilisé leur effort d’interprétation (ijtihâd : effort juridique).

Il existe aussi beaucoup de récits concernant des invocations (du‘â) faites par des Compagnons qui ont été validées par le Prophète (paix et salut sur lui) ensuite.

Si maintenant nous retournons au hadîth du début :

« Faites attention aux choses nouvelles, car toute nouveauté est une innovation, et toute innovation est un égarement, et tout égarement mène à l’Enfer »

Il devient plus facile de comprendre le sens véritable de ce hadîth.

La seule raison pour laquelle la Loi Islamique est valide pour toutes les époques et tous les lieux et est la plus facile et la plus parfaite de toutes les Lois, c’est parce que cette Loi comprend des principes méthodologiques généraux et universels. Les Savants ont reçu la capacité de compréhension des textes, la connaissance des types d’analogies et de parallélismes et l’excellence qui caractérise cette Loi. Allons-nous considérer que chaque innovation apparue après le premier siècle de l’Islam est une innovation blâmable sans considérer si elle entraîne un bénéfice ou un préjudice ? Cela invaliderait une grande partie des bases fondamentales de la Loi Sacrée aussi bien que les règlements obtenus par raisonnement analogique, et cela limiterait et rétrécirait la vaste et étendue envergure de la Loi. [6]

Le Sheikh ‘Izz ad-din Ibn ‘Abdel-Ssalâm (le sultan des Oulémas) considère que la classification en cinq statuts légaux[7] pour les actes en jurisprudence doit aussi être appliquée pour les innovations:

1.Les innovations obligatoires :

Compilation du Coran(en entier) (qui s’est faite la première fois sous les ordres du premier Calife Abou Bakr (que Dieu l'agrée) puis définitivement à l’époque du troisième Calife ‘Uthmân Ibn ‘Affân (que Die......u l’agrée) ), étude de la grammaire, de la lexicographie arabe, classification des hadîths selon leur degré de certitude(fiabilité), apprentissage des arguments contre les déviances et les sectes...

2.Les innovations interdites

Les doctrines malsaines et déviantes (comme les fatalistes,les antropomorphistes,les Jabriyya...), toutes les activités répréhensibles par la Loi. Il s'agit aussi de toute altération consciente, volontaire et non justifiée dans le culte: exemple : la secte égarée qui a choisi(décrété) de faire seulement deux prières au lieu des cinq obligatoires ! Ou celle qui a choisi(décrété) de ne plus jeûner le Ramadan ! ...

3.Les innovations recommandées

Construire des écoles religieuses, écriture de livres sur le droit musulman et la science islamique en général, récitation de wird, mawlid an-nabi.
Parmi les bonnes coutumes aussi (ou les innovations méritoires), la lecture du Coran en groupe et à haute voix. Dans certains pays comme le Maroc, cette coutume est toujours d’actualité dans les mosquées après la prière du Maghreb et après la prière du Subh. Cela permet la mémorisation du Coran et l’apprentissage des ses règles de lecture. Il en est de même pour la lecture du Coran sur les tombes surtout la lecture de la Sourate Yâsîn.

4.Les innovations blâmables

Construire de trop belles mosquées, apprendre des sciences qui n’ont aucun intérêt juste par jeu.

5.Les innovations permises

Utiliser des fourchettes et des cuillères(**), manger d’autres plats (licites) que ceux consommés par le Prophète (paix et salut sur lui), posséder des biens matériels modernes (voiture,portable, ordinateur..).
(**)Manger (ou boire) dans des plats ou des récipients d’or ou d’argent est illicite. Ainsi qu’utiliser des fourchettes et des cuillères d’or et d’agent…

Le Grand Muhaddith Marocain Sidi ‘Abdullah Ibn As-Siddîq a dit:

“Dans les « Qawâ‘id al-Kubra », ‘Izz ibn ‘Abdel-Ssalâm classifie les innovations (bida‘) selon leur bénéfice, leur nuisance ou leur neutralité dans cinq catégories de règles : l’obligatoire, la recommandée, l’interdite, la blâmable et la permise, en donnant des exemples pour chacune de ces catégories et en mentionnant les principes de la Loi Sacrée qui vérifient cette classification.

Ses paroles sur le sujet montre une réelle compréhension et un savoir aiguisé à la fois des principes de la jurisprudence et du jeu des avantages/désavantages humains pour lesquels le Législateur a établi les règles de la Loi Sacrée.

Parce que sa classification des innovations a été établie sur des bases solides en droit islamique et en principes de la Loi, elle a été approuvée par l’Imam An-nawawî, par Ibn Hajar al-Asqalani et par la grande majorité des savants, qui ont agréé ses paroles et ont considéré qu’il était obligatoire d’appliquer sa classification à tous les nouveaux événements et à toutes les éventualités qui apparaissent avec le changement d’époque et la transformation des gens.

Personne ne doit rejeter cette classification en utilisant comme argument le hadîth qui dit « toute innovation est un égarement », parce que la seule véritable innovation qui est un égarement complet est celle qui concerne les bases de la croyance (ou une modification (altération) volontaire et sans preuve dans les piliers de la religion), comme les innovations des Mu‘tazilites, des Qadarites, des Murjiites et d’autres, qui ont contredit les croyances des premiers musulmans. Des innovations pareilles sont répréhensibles parce qu’elles sont dangereuses et dénuées de tous bénéfices.

Pour les innovations en acte, c’est-à-dire l’apparition d’un acte de dévotion ou autres qui n’existait pas au début de l’Islam, il doit obligatoirement être jugé en utilisant les cinq catégories définies par ‘Izz ad-dîn Ibn ‘Abd As-salâm. Affirmer que telle ou telle innovation est néfaste sans qualification n’est pas acceptable. (…)[8]

L’imam As-Shafi’i affirme [9] : « Toute chose innovée qui contredit le Livre, la Sounna, le Consensus des savants ou le Athar [10] [unanime], est une innovation (égarée) et une errance. Par contre toute chose qui est innovée en matière de bien et qui ne les contredit en rien, est une innovation louable. »
Il estime également [11] : « Il existe deux types d’innovations : les innovations réprouvées et les innovations autorisées. Les innovations conformes à la Sounna sont autorisées, mais celles qui la contredisent sont réprouvées ». Il appuie ses propos en se basant sur la parole de Omar : « Quelle bonne innovation celle-ci ! »[12]. Il importe de noter, à ce sujet, que des avis similaires ont été rapportés par nombre de savants tels que Al Bayhaqî , Al-Nawawî , l’Imâm Al-Haytamî, Abou Bakr ibn Al ’Arabi, Al-Ghazâli, Ibn Hazm, Ibn al Jawzî, le Sultan des oulémas l’imam Al ‘Izz Ibn ‘Abd as-Salâm et Al Hâfiz ibn Hajar et bien d’autres.[13]
L’imam Al-Shawkâni, éminent savant de l’Islam, a conclu dans son livre Nayl al-Awtâr que la séparation des innovations en bonnes et mauvaises, est la position la plus authentique.

Notes:

[1] Il est important pour le croyant sincére quant il s’agit de comprendre (ou d’interpréter) un hadîth de maîtriser la « science du hadîth » ou de faire appel aux savants spécialistes.

[2] Rapporté par Abû Dâwûd
......
[3] Sourate : 53, verset : 39.

[4] Sourate : 21, verset : 98.

[5] Sourate : al-Hadjj 22, verset : 77.

[6]Voir: Adillatu Ahli as-sunna wa al-jamâ‘a.

[7] Voir le chapitre VI: les statuts légaux en Islam.

[8] « Itqân assan ‘a fî tahqîqi ma ‘anâ al bid ‘a » (les statuts légaux de l’innovation : de l’innovation blâmable à la bonne coutume) : auteur le grand savant ‘Abdallah As-seddîq Al-ghumârî : édition : Maktabatu Al-qâhira : année 2005.

[9] Rapporté de Harmala disciple de As-Shafi’i par Abû Nu’aym dans Hilyat Al-Awliyâ.

[10] Un Athar est une information traditionnelle, en l’occurrence, ce qui est rapporté des compagnons du Prophète ou de leurs successeurs.

[11] Rapporté d’Al-Rabi’, autre disciple de As-Shafi’i par Al-Bayhaqî dans son livre Madkhal et Manâqib Al-Shafi’i avec une chaîne authentique comme l’écrit Ibn Taymiyya dans son livre Dar’ Ta’ârud Al-’Aql wa An-Naql.

[12]La parole de Omar est rapportée par Al-Bukhâri dans son Sahîh et par l’imam Mâlik dans Al-Mouwattaa (Livre 6: des prières surérogatoires à Ramadan chapitre II Hadîth 252): c'était à l'occasion de l'instauration (centralisation) des prières des Tarâwîh dirigées par un Imâm dans les nuits de Ramadan.

[13] Il importe de noter que certains savants ont classé les bonnes et les mauvaises innovations suivant les cinq statuts juridiques connus comme on a vu. L’innovation est ainsi divisée en : celle qui est obligatoire (wajiba), interdite (mouharrama), recommandée (mandouba), déconseillée (makrouha) ou indifférente (autorisée) (moubaha). En revanche, on trouve plus de réticence au niveau de l’école hanbalite et surtout avec Ibn Taymiyya.

mardi 12 avril 2011

Ep.04 Lorsque l'On Boit ( شرب الماء )

Ep.04 Lorsque l'On Boit ( شرب الماء )

Ep.03 Le Travail ( العمل )

Ep.01 La Piété Filiale (بر الوالدين)

Ep.02 L'Appel à la Guidance (الدعوة إلى الهدى )

Ordonner le Bien et Interdire le Mal [5/5] - Cheikh Muhammad Al-'Arifi

Ordonner le Bien et Interdire le Mal [4/5] - Cheikh Muhammad Al-'Arifi

Ordonner le Bien et Interdire le Mal [3/5] - Cheikh Muhammad Al-'Arifi

Ordonner le Bien et Interdire le Mal [2/5] - Cheikh Muhammad Al-'Arifi

Ordonner le Bien et Interdire le Mal [1/5] - Cheikh Muhammad Al-'Arifi

Les Premières Génération de Musulmans (As-Salaf as-sâlih) - Hassan Iquioussen

dimanche 3 avril 2011

Ep.01 La Piété Filiale (بر الوالدين)

Série : "D'Après Ta Sunnah, Nous Vivons"

Illustration en vidéos de 30 hadiths du prophète Mohammed (paix et bénédictions soient sur lui) :

http://www.youtube.com/user/MADRASSA93?feature=mhum#g/c/89C3DAD3DB36E32B

La Droiture, le Reflet de ton Âme [2/2] - Sheikh Éric Younous


La Droiture, le Reflet de ton Âme [2/2] - Éric... par les5pilliers

La Droiture, le Reflet de ton Âme [1/2] - Sheikh Éric Younous


La Droiture, le Reflet de ton Âme [1/2] - Éric... par les5pilliers

Intégration ou Assimilation - Cheykh Abou Chayma


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La Da'wa ( دَعْوة ) Partie 2/2 - Cheykh Abou Chayma


La Da'wa ( دَعْوة ) Partie 2/2 - Abou Chayma par Bobby-Gold

La Da'wa ( دَعْوة ) Partie 1/2 - Cheykh Abou Chayma


La Da'wa ( دَعْوة ) Partie 1/2 - Abou Chayma par Bobby-Gold